«- Andrea, réveilles-toi bordel !». En entendant son père, le jeune homme ouvre difficilement les yeux, avant de tenter de regarder l’heure sur son téléphone, geste qu’il regrette dès que l’écran s’allume en plein sur ses yeux. Retenant un juron, il se lève doucement avant d’enfiler un pantalon beige et un t-shirt plus foncé. Il descend le pas lourd, et va jusqu’à la cuisine se prendre un jus d’orange et un café. Là, il trouve son père s’affairant comme lorsqu’ils reçoivent des invités. S’apprêtant à poser la question, il est coupé dans son élan par son géniteur qui le toise de haut en bas avant d’ajouter « - Tu t’habilleras mieux que ça, Maileen et ses parents viennent à midi. ». Andrea soupire, blasé. Encore cette idée de mariage à la noix. Depuis deux ans déjà, leurs parents se sont mis en tête de les marier, et il semble que tout ceci soit bien ancré dans leurs esprits. Ils se sont mis d’accord tous les trois avant de demander leurs avis aux deux concernés qui sont tout sauf d’accord avec cette idée. Andrea pensait qu’elle partant pendant deux ans l’idée allait retomber, et visiblement sa fiancée avait la même idée, néanmoins, il en faut visiblement plus pour les faire changer d’avis. Blasé, le jeune brun fini d’une traite son café, range sa vaisselle et dit à son père « - Si tu me cherches je suis dehors. ». Le trottoir de derrière sa maison, l’endroit où le jeune homme se réfugie dès qu’il sait qu’une dispute risque d’éclater avec son père. Il s’assoit, allume sa cigarette et regarde devant lui en tirant longuement dessus. Il n’a pas franchement envie de se marier à vingt ans, et encore moins avec une fille qu’il ne connaît ni d’Eve ni d’Adam, et il a compris que ce ressenti était réciproque, ce qui était peut-être la même chose qu’ils partageaient. Il n’a pas envie de bouger de son trottoir, il aimerait rester là à vie. Lorsqu’il entend son père qui ouvre la porte à ses invités, il ne se lève pas, et le laisse faire son speech et tentant de vendre son fils comme il peut. Il soupire, encore une fois, se doutant qu’il risque de faire ça encore beaucoup de fois en présence de sa future ‘femme’. Juste de penser ça lui donne envie de s’enfuir en courant, encore une fois. Il décide de ne pas bouger, son père se fera un plaisir de proposer à la jeune femme de le rejoindre, il le sait. Mais surtout, il ne pense pas être prêt à faire face aux parents qui vont tout faire pour leur faire croire qu’ils sont faits l’un pour l’autre. Il sait qu’il paraît malpoli, mais à vrai dire, il s’en fout un peu. Il n’est pas du genre rebelle, mais là, son père le pousse au vice, et il compte bien lui faire comprendre son mécontentement comme le peut. Peut-être comprendra-t-il qu’il ne veut pas être casé à vingt ans. De plus, selon lui, si son père commence à lui imposer sa femme, il voudra aussi lui imposer son métier, et toute sa vie. Dans ces cas, il aimerait que sa grande sœur soit là pour lui faire oublier Andrea.

Les bruits provenant de la pièce principale de la maison font comprendre à Andrea que ses invités sont arrivés, et il commence alors à sentir la longue descente aux enfers qui va poursuivre. Ne pouvant trouver d’autre prétexte que la cigarette pour ne pas rentrer et devoir affronter ce qui va être sa réalité plus tard, il n’hésite pas à rallumer une cigarette. Si sa sœur était là, elle lui ferait probablement une remarque, mais il s’en fout. A vrai dire, il s’en fout de tout ce que tout le monde pourrait lui dire, estimant qu’il a le droit d’être contrarié lorsqu’on examine un peu sa situation. Presque comme si, selon lui, il ne pouvait pas vivre heureux plus longtemps qu’une période donnée. En effet, avant qu’il parte faire son voyage, l’idée de mariage avait lancée sur le tapis. Pensant que ce n’était qu’un truc balancé comme ça, il y croyait sans trop croire. Il a vécu pendant deux ans, et à peine était-il rentré qu’on lui recollait cette idée à la con. Pendant un moment, il s’était même attendu à ce qu’un matin son père déboule dans sa chambre en disant qu’il devait se lever en urgence parce qu’il devait se marier ce jour-là. Dieu merci, ce n’était pas encore arrivé, mais il ne pouvait pas totalement baisser sa garde, puisque personne ne pouvait prévoir l’issu de ce déjeune ‘en famille’, comme son père aimait à lui rappeler. Andrea est nerveux, et énervé à la fois, ce qui se sent sur son filtre, qu’il écrase. Il tape du pied un rythme, ne sachant pas comment faire passer tout ce qu’il se passe dans sa tête sans se mettre à hurler comme un fou. Cela dit, si sa future belle-famille pensait qu’il était cinglé, peut-être abandonnerait-elle toute cette mascarade… Néanmoins, même si ce miracle arrivait, il aurait toujours son père sur le dos qui lui en voudrait probablement jusqu’à la fin de ses jours. Le jeune homme était persuadé qu’il trouvait même un moyen de le faire culpabiliser de là-haut.

Perdu dans ses pensées les plus profondes, Andrea n’entendit pas la jeune femme qui arrivait derrière lui. Il sursaute légèrement et la regarde s’installer à côté de lui, reportant directement son attention sur la cigarette qu’il martyrise depuis quelques minutes déjà. Le son de sa voix le surprend légèrement, ne s’attendant pas à ce qu’ils échangent quoi que ce soit durant cette journée. Néanmoins, il approuve l’idée de rendre le tout moins lourd, c’est pourquoi il répond en haussant les épaules « - Génial, je m’attendais pas à en avoir plein la vue comme ça ! ». Il sourit gentiment, le tout en s’autorisant un regard vers celle qui est sa fiancée sur le papier. Il doit l’admettre, elle est loin d’être repoussante. Dans un autre contexte, il aurait été capable de tenter de la draguer, quitte à se faire rejeter. Mais là, il avait envie de tout sauf de la draguer, au risque de donner raison à son père. Et aussi parce que la seule chose en commun qu’ils avaient à ce moment c’était de vouloir s’échapper de toute cette situation qui était carrément galère, et s’il prenait le risque de montrer un quelconque intérêt pour elle, les trois parents risqueraient de s’enfoncer dans l’idée de les marier, et de leur faire faire plein de bébés, et ce pour assurer la descendance. Connaissant le père du jeune homme, il ne serait pas étonnant qu’il propose de cacher les pilules contraceptives de Maileen, tant l’idée du mariage l’emballe. Après tout, comme il aime à le rappeler ‘les Swanson ont des moyens, et leur petite est très bien, à vingt-trois ans elle gère déjà une boutique ! Crois-moi, tu ne perds pas au mariage !’. Ne voulant pas paraître impoli, il demande, toujours poliment « - Et toi, l’Amérique du Sud, ça t’as plu ? ». Il savait qu’elle était partie là-bas par son père. Pourquoi il ne savait pas vraiment, se doutant que ça devait être une raison touristique. Après tout, lui aussi était parti pendant deux ans faire le vagabond, il ne voit pas pourquoi les autres ne le feraient pas aussi.

   

Andrea se sentait un peu mal de rejeter ainsi la brune, mais c’était plus fort que lui. Il se rendait compte que ce n’était pas sympa, qu’elle non plus n’avait rien demandé, mais c’était comme cela. Et il ne pouvait rien faire pour entrer dans l’esprits de leurs parents, c’est pourquoi il faisait tout pour tenter de montrer qu’il n’y avait pas l’alchimie qu’il devrait y avoir entre deux personnes qui étaient fiancées. Il était presque surpris lorsqu’elle lui répondit en s’étendant autant sur le sujet quant à son voyage en Amérique du Sud. Il sourit, néanmoins ce sourire disparu lorsqu’elle lui expliqua qu’elle n’avait pas trouvé ce qu’elle cherchait. Il fit une moue désolée, avant de dire : « - Désolé pour toi… ». Il ne chercha même pas à en savoir plus. Si elle voulait lui dire, elle lui dirait, point final. Il n’aimait déjà pas forcer les gens à lui parler, il aimait encore moins tirer les vers du nez à celle qu’il devait épouser. Il préférait qu’ils soient indifférents l’un envers l’autre, plutôt qu’ils se tirent dans les pattes sans cesse, faisant tout pour rendre la vie de l’autre le plus pourri possible. C’était déjà assez étrange comme ça pour qu’ils puissent au moins être dans la pièce sans avoir envie de se tirer dessus. Il tira une nouvelle fois sur sa cigarette qui commençait à devenir ridiculement minuscule. Il allait faire une réflexion là-dessus, afin de meubler un peu, lorsqu’il fut interrompu avant même d’avoir commencé par Maileen qui parla de la robe de mariée. Il senti la fumée qui passa difficilement, et il se mit à tousser. En effet, bien qu’il savait que ce jour allait arriver, l’idée de la robe de mariée lui semblait si concrète que tout un coup le mariage lui parut soudainement proche. Trop proche à son goût. Il se calme, respira un bon coup, et dit : « - Excuses-moi, j’ai toujours un peu de mal à réaliser, tu vois ? ». Il baissa la tête, afin de se remettre de ses émotions, et surtout ne pas montrer à quel point il pouvait être déstabilisé par ce qu’elle venait de lui dire. En effet, pour elle, cela semblait presque normal, quand pour lui c’était presque comme si elle lui avait annoncé qu’elle était enceinte. Bon, il devait avouer qu’il avait quand même ressenti une pointe d’ironie dans sa phrase, mais tout de même, elle ne l’avait pas ménagé du tout, sur ce coup-là. Il se tourna vers Maileen, pris son courage à deux mains, et lui répondit : « - Mon père ne m’a même pas parlé de mon costume… Je vais prendre le seul que j’ai, je pense… ». Voilà aussi pourquoi Andrea avait tant de mal à réaliser qu’il allait se marier : son père avait décrété qu’il allait se débrouiller seul, ou que le jeune homme viendrait de lui-même vers son père pour lui demander d’aller acheter de quoi s’habiller pour le ‘grand jour’. Ce qui allait bien finir par arriver, puisque le brun se voyait très mal aller devant l’autel habillé d’un simple jean. Se rendant compte qu’il risquait d’être ridicule, il se rattrapa, et dit : « - J’irais quand même en acheter un autre, je ne veux pas te faire honte. ». Et ne pas faire honte à son père aussi, mais ça, il s’en foutait un peu, puisqu’après tout, c’était lui qui l’avait traîné dans cette galère.